Cadeau ou pas, j’étais dans l’obligation d’accepter cette enveloppe remplie d’espoir et de désespoir.
Timides débuts de prépa en avril mai juin, avec 100 à 300km de vélo par mois, je commence réellement en juillet avec un retour de Grenoble en gravel en 3 jours.
La préparation se faisant, je me présente à l’Icon le 6 septembre avec 3150km de vélo, 1200km de course à pieds et 100km de natation.
Nous sommes le 6 septembre, le réveil sonne à 2h45 du matin, je pose les 2 pieds au sol et me pose cette question: pourquoi faire cela?
Nous déjeunons paisiblement, une ambiance de stress se fait ressentir mais nous sommes prêt à affronter cette journée qui s’annonce pour le moins, dantesque!!!!! Quand je dis nous, c’est Yvan, Édouard, moi et nos accompagnateurs (Séverine, Émeline et Nathan, Bérengère et Léa) qui devrons toute la journée nous suivre, nous ravitailler, puis finir avec nous les 12 derniers kilomètres de trail avec 1200m de dénivelé.
Quand on me demande, quelle partie fût la plus difficile, je réponds «tout», vous allez comprendre pourquoi.
Il est 5h, environ 8°, point de départ 1700m d’altitude, la lueur des flammes nous éclaire péniblement, une musique stressante nous plonge dans l’ambiance. Le départ est donné dans une nuit noire et une eau à 13°. Nous sommes 280 à nous lancer en direction de petites lumières sur le lac, 2km aller, 2km retour. On y voit rien! Je ne sais pas où sont mes camarades de club, je nage et avance tant bien que mal. Je nage la brasse, le crawl, le dos (voilà pourquoi nager les 4 nages), je panique et regarde devant, c’est difficile. Je ne suis pas le seul à barboter, puis, j’arrive à me ressaisir et nager le crawl tranquille; enfin j’avance machinalement, mon point de repère demeure nos bouées lumineuses que nous avons tous. La natation me semble longue, très longue. Nous arrivons au point de retour, le froid commence à me saisir, mes mains s’engourdissent, j’avance, j’avance, les crampes arrivent, doigts de pieds, mollet puis cuisse : la journée s’annonce compliquée!! Je me concentre sur mon objectif, prends sur moi même, les conditions sont les mêmes pour tout le monde, alors il faut avancer, toujours avancer… Dans ma tête je pense à cette réplique: un con qui marche, ira toujours plus vite qu’un intelligent assis!!!
J’ai des moments où je sens que je progresse guère. Avec le froid, les poussées se perdent, les gestes se raccourcissent, il faut se ressaisir et continuer à avancer. Enfin j’aperçois au loin la plage et le phare, je me rapproche petit à petit puis je me lève pour marcher vers les tentes. Il fait encore nuit, j’ai froid, je titube, les spectateurs nous acclament, nous aide à marcher droit et à nous diriger vers la zone de transition. Je n’aperçois même pas Yvan qui est à 50cm de moi, j’entends des voix que je connais, mon dieu que c’est bon.
Le calvaire se termine, enfin je crois… Séverine m’aide à retirer les gants, les chaussons, la tenue. Nous sommes tous tremblant, mon atout masculin est mort, il ne reste que la peau, aucune fierté, on oublie tout, il faut continuer!!!! Mon chrono est de 1h17, j’ai 4500m et 16mn de transition. Déjà 12 abandons.
Je chevauche ma bicyclette pour visiter le massif alpin Italien; je suis habillé comme en hiver, je porte les moufles. Je roule, je roule! Cette fois-ci je ne roule pas les mécaniques, je roule pour me réchauffer. Le début du parcours s’annonce bien, mes camarades de chambrées sont déjà devant, le gros reste derrière. Nous commençons à monter le col de Forcola, 506m de positif puis le col de Bernina avec 266m. Tout va bien, j’ai rejoint l’initiateur de ce calvaire; M Moreau est avec moi, nous grimpons ensemble, nous discutons de notre natation, les symptômes se ressemblent, en clair lui non plus n’a plus rien, pauvre Bérengère!!!!
Ensuite le circuit est roulant jusqu’au 70ème kilomètres, ma moyenne est de 28km/h, devant moi un cycliste urine en roulant et se ravitaille en eau sans s’arrêter; est ce bien? Je continue de rouler pépère, au passage je claque le cul à Edouardo qui est entrain de polluer la verdure avec son tuyau d’arrosage percé, la suite s’annonce moins joyeuse.
Vers 11h je décide de m’arrêter et de m’accorder une pause déjeuner de 20mn. Mon équipe me prépare une chaise, je m’assois et mon seul effort est de faire fonctionner mes mandibules. Je suis ravitaillé comme un roi, mention très bien.
Col de Fuorm, 431M +, et enfin, nous arrivons au pied du Stelvio, kilomètres 127; le programme s’annonce alléchant, 33km d’ascension avec 1860m de dénivelé.
Passo dello Stelvio, 48 virages, une ascension terrible mais magnifique, où chaque kilomètre est une victoire. Je galère, je suis en réunion avec moi même, j’appuie sur les pédales et regarde seulement à un mètre devant moi, à tel point que j’ai failli rentrer dans des voitures stationnées le long du parcours (à 6/7 km/h les dégâts auraient été minimes). Je prends du retard sur mon programme, je pense qu’il ne sera pas possible de respecter les délais pour monter au sommet de Carosello.
Je demande à mon équipe de me ravitailler tous les 3 ou 4 kilomètres, j’ai besoin de les voir, et surtout de les entendre, les cris d’Emeline ont raisonnés dans la vallée pendant 5 jours!
Mon GPS s’éteint, je n’ai plus de repère, Nathan me donne régulièrement les distances, c’est toujours aussi difficile, enfin j’aperçois le nombre de virages restant:il en reste 5, 4, 3 puis 2 et 1… Au loin Nathan vient me chercher, je termine ce col. Putain qu’il fût difficile!!!! Au sommet il y a du monde, je fonce rapidement au ravito, il y a presque rien, tant pis je prends une veste et j’attaque la descente.
Ahhh, les descentes, j’adore, je fonce, je double des voitures, des motos, des bus! Le pied! L’adrénaline de la vitesse! J’en profite pour me refaire la cerise, les sensations reviennent, le corps s’adapte. J’arrive au kilomètre 174, Col de Foscagno, un tout petit avec 986m de dénivelé, rien que ça! Bizarrement, il passe bien, l’arrivée se rapproche, normalement il ne reste que de la descente mais le parcours a été modifié en raison des intempéries, alors encore un peu de dénivelé et des kilos supplémentaires. Pour compléter, il y a des travaux, nous devons nous arrêter plusieurs fois aux feux rouges, mais pas d’inquiétude, l’aventure n’est pas finie.
Enfin j’aperçois le bout du tunnel: 200km, 5500m de dénivelé, mon p’tit cul de princesse positionné 10h37 sur la selle. C’est fini, place à ma pratique sportive préférée, je suis dans les temps.
Mes copains sont toujours vivants, pour l’instant nous sommes tous encore dans l’aventure.
Je me change rapidement, mon sac de transition n’est pas là, tant pis, je mets mes trails, un cuissard de vélo propre, un maillot cycliste et c’est parti pour la randonnée gastronomique.
Au début, 4km de descente, fallait juste y penser, pourquoi partir sur du plat? C’est tout simplement plus difficile pour mes petites cuisses de grenouilles, douleurs aux jambes, je me freine dans les descentes, c’est compliqué, puis enfin arrive le bitume et le plat, 9km en 1h.
Et là, surprise, plus rien, plus de force, pas de jambes, je suis sec ! Du 9ème au 16ème, je marche, tant pis je ne montrais pas, je suis vaincu.
Une légère descente et je décide de courir, j’enchaîne 6 kilos à 5’15 5‘30, pourquoi? Je ne sais pas, l’organisme s’adapte, les sensations reviennent, j’avance mieux, beaucoup mieux, je double des concurrents qui me disent que je me suis refais la cerise!!! L’objectif redevient possible, je regagne du temps perdu, dans la montagne je continue de courir, de doubler, la nuit arrive, je n’ai pas de frontale, je commence à avoir froid, alors seule solution: allez encore plus vite pour rejoindre la zone T3 dans les temps. Je pense me perdre, j’hésite à continuer sur le sentier, je persiste, puis je vois devant 2 concurrents avec frontales, je les rejoints, se sont des Suisses, je décide de terminer avec eux car je n’y vois rien. Dans la descente, je croise Nathan et Emeline qui venaient au devant de moi, trop content de les retrouver nous fonçons vers la transition. Il est 20h40, je suis dans les temps, nous allons pouvoir affronter le Carosello.
Il est 21h00, Nathan, Emeline et Séverine sont prêts, je suis sec, il reste 1200m de dénivelé sur 12km, nous avons 4h pour finir.
Traversée de Livigno, des gens nous encouragent, nous sommes motivés, souriants. Environ 2 à 3km faciles, du plat, et virage à gauche direction la montagne, un mur, toujours tout droit !!!! Nous grimpons des pistes de ski, petits pas, nous tirons sur les bras, l’ascension se fait, après environ 1km de côte nous empruntons un sentier qui mène sous le télécabine du Carosello, ce passage est agréable, nous apercevons la ville en bas, le paysage est magnifique, puis arrive la dernière étape.
4km avec 800m de dénivelé, ça grimpe très fort, nous avançons péniblement, 40mn pour faire un kilomètre, il nous faut arriver avant 1h. De temps en temps nous calculons afin de savoir si nous finirons bien. Séverine est dans la douleur et moi je sais plus où je suis. Emeline décide de prendre le sac à dos de sa mère et de la pousser dans le dos, nous ferons 2km comme ça. Nous nous félicitons souvent, les encouragements se multiplient, la pente est toujours pentue.
Il est 23h45, dernier virage, on entend l’animation au sommet, il reste une très grosse montée, des flammes, des drapeaux et un mur à franchir à 4 pattes.
A 4 nous grimpons et passons la banderole Finishers, il est 23h50, nous avons réussi cette épreuve en équipe, nous sommes fiers de l’exploit.
Tout fût difficile, alors pourquoi faire tout cela???? Juste pour traverser des périodes d’incertitudes, de chauds, de froids, d’abandons, de joies, d’euphories, de plaisirs dans la douleur. Pour réaliser une épreuve dantesque où seuls les bons moments resteront gravés dans ma mémoire.
Nous sommes tous finishers, ETPC enregistre un 100% de réussite! Loin de penser à cela quand, lors du briefing, l’animateur a demandé qui tentait pour la première fois de faire l’Icon, nous étions peu à lever le bras, environ 100 abandons pour cette édition 2024.
Un grand merci à mes 2 compères, Yvan et Edouard et leurs ptites femmes, et surtout, un immense merci à mon équipe de choc sans qui rien n’aurait été faisable!!!! Merci Emeline la carne, le surprenant Nathan et ma ptite femme Séverine.
David JACQUES.
Un récit plein de spontanéité, on est vraiment plongé dans l’atmosphère, on ressent le doute et l’ascenseur émotionnel unique que représente ce genre d’épreuve. La petite touche d’humour propre au lascar est également bien présente.
Merci pour ce récit, bravo à vous trois, c’est vraiment une belle aventure qui nous est présentée ici.
Bravo David et à tes 2 amis, quel effort formidable, ou plutôt que d’efforts formidables et gigantesques. C’est intéressant ton détail,du vécu, de tout le parcours pour les non pratiquants, de tri et +.